Madame Ginette Kolinka - lundi 17 octobre 2022

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Madame Ginette Kolinka - lundi 17 octobre 2022

Madame Ginette Kolinka, 97 ans, vient témoigner à Deauville, au lycée André Maurois. Ancienne déportée au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, elle parcourt la France afin d’alerter la jeune génération sur les dangers de l’antisémitisme , de la xénophobie. La nonagénaire a attendu plus de cinquante ans pour raconter son histoire, par peur d’ennuyer » dit-elle.

Ginette Kolinka nous raconte comment sa vie a basculé avec l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933, l’invasion de la France en juin 1940 par l’Allemagne nazie et la complicité de l’État français alors dirigé par le maréchal Pétain. Les Juifs sont maintenant discriminés et ils doivent porter l’étoile jaune, à partir de 1942 en France.

La jeune Ginette Cherkasky est alors une adolescente insouciante, elle a cinq sœurs plus âgées.Toute la famille, menacée, s’enfuir de Paris, munie de faux papiers et trouve refuge à Avignon. Mais Ginette finit par être arrêtée, sur dénonciation , par la Gestapo, le 13 mars 1944.Elle est dans son appartement avec son père, son jeune frère de 12 ans et son neveu de 14 ans. Incarcérée à la prison d’Avignon puis au camp d’internement de Drancy, la jeune fille est ensuite envoyée au ventre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau dans un wagon à bestiaux sans boire ni manger. Le voyage dure deux à trois jours. Notre « passeuse de mémoire » a alors 19 ans.
L’Arrivée au camp est évoquée avec précision : les barbelés, les miradors , des soldats armés. Le processus de déshumanisation commence : son petit frère et son père sont gazés alors qu’elle les croit à l’abri dans un camion ; la nudité ; les premières humiliations…
Ginette parle aussi des travaux forcés, montre les baraquements, évoque le couchage (trois personnes sur une paillasse en bois) , le manque d’hygiène, de nourriture (une soupe par jour). Ceux qui ont échappé au gazage sont tous condamnés à mourir. Les latrines, de gros trous insalubres qui servent de toilettes, sont le seul petit réconfort : les déportées y échangent les rares mots de la journée, un moment appelé « Radio chiotte ».

En novembre 1944, Ginette est transférée au camp de concentration de Bergen Belsen en Allemagne. Le conditions de vie y sont très difficiles mais moins insupportables qu’à Birkenau. On y meurt surtout d’épuisement et de maladie. La jeune déportée y contracte le typhus. En mai 1945, elle se retrouve au camp de Theresienstadt en Tchécoslovaquie et y est libérée par des soldats soviétiques. Ginette nous confie alors qu’elle était au bord de la rupture et sur le point de mourir. « J’avais enfin la ligne : 26kg. »

La jeune fille revient à Paris le 6 juin 1945. Le concierge croit voir Gilbert, son petit frère. Ginette y retrouve ses sœurs et sa mère. Elle annonce à cette dernière, de façon brutale,la mort de son mari et de son fils, ce qu’elle regrettera plus tard à la naissance de son propre enfant, Richard, futur batteur du groupe Téléphone. Ginette s’est en effet mariée en avril 1952 : le bonheur avec son époux a duré 40 ans. Quelle revanche pour cette femme qui revenait de l’enfer !

La toujours pimpante et énergique madame Kolinka conclut en disant aux lycéens qu’elle leur transmet son histoire et qu’ils sont maintenant des « passeurs de mémoire » à leur tour.
Le négationnisme ne passera pas, »la haine non plus ».